En 2023, la ville de Liffré nommait le parvis de l’Espace Intergénérations place Behar-Eliakim, du nom d’une famille juive réfugiée à Liffré et déportée dans les camps de la mort lors de la seconde Guerre Mondiale.
Un important travail de mémoire a été réalisé autour de cette famille. Les élèves de 3ème du collège Martin Luther King ont réalisé de nombreuses recherches sur la famille, remportant ainsi le grand prix du concours national de la résistance et de la déportation. Ce travail a été complété par la section local de l’UNC (Union Nationale des Combattants).
Une famille déchirée par la guerre
La famille Behar-Eliakim, composée de Jacques, Alice et de leurs deux enfants Natho et David a fui la Bulgarie en février 1940 pour échapper à la montée de l’antisémitisme dans le pays. Après un voyage à travers l’Europe, ils s’installent pendant quelques mois à Paris, puis se réfugient à Liffré en mars 1941, suite à l’arrivée des troupes nazies dans la capitale. La famille loge à l’hôtel le Lion d’Or, rue de Fougères. Le 9 octobre 1942, Jacques est arrêté à l’hôtel. Alice, malade, est laissée libre. Natho et David sont arrêtés à l’école des garçons et emmenés avec leur père, d’abord à Rennes dans un campement provisoire, puis au camp de Drancy. Le 3 novembre 1942, Jacques, Natho et David Behar-Eliakim sont embarqués dans le convoi n°40 à destination d’Auschwitz, puis assassinés dans les chambres à gaz.
Les précisions des archives départementales
L’UNC a pu accéder aux documents stockés aux archives départementales d’Ille-et-Vilaine, apportant plusieurs précisions sur la famille. Témoignage de Christine Melot :
« La première carte de renouvellement de la maman portait le N° 33219 et a été rédigée le 16 Juin 1942 en résidence à Liffré. Sans profession. La maman s’appelait ELIAKIM BEHAR née TADJER de prénom ALICE née le 21 novembre 1904 à Plovdir en Bulgarie. Nationalité : Tchécoslovaque Fille de TADJER Jacques né en 1872 à SOFIA en Bulgarie et de Rosine Danon. Nationalité : Tchécoslovaque.
Découvrir la photo me serre la gorge et je la regarde très longtemps avant de continuer de découvrir ces documents de ces années noires et glaciales.
Sur la carte d’identité, l’adresse du conjoint précise : Hôtel ROUZEL, localité Liffré. Sa carte d’identité en accordéon de couleur verte en dit long sur l’écriture du fonctionnaire bien peu regardant sur sa rédaction. Le 15 mars 1944, la préfecture d’Ille-et-Vilaine, à la recherche de Madame Eliakim BEHAR s’est vu répondre par la Mairie de Liffré que la maman était partie sans en avertir la Mairie et en ne laissant aucune nouvelle adresse. Ce qui signifie qu’elle s’était enfuit plusieurs mois avant l’arrestation de son mari et de ses deux enfants. Le Maire de Liffré, en cette année 1944, s’appelle Victor Besneux (1853-1946) d’obédience du « Cartel des gauches ». Il était horloger et président du conseil d’arrondissement .Maire honoraire. Il sera Maire de Liffré de 1919 à Mai 1945.
ELIAKIM BEHAR Jacques né le 24 septembre 1895 à Rustschuk (Bulgarie). Il résidait à Liffré depuis le 18 mai 1940. Le 16 juin 1941, il réitère une demande de carte d’identité d’étranger à la mairie de Liffré. Arrêté le 9 octobre 1942 avec ses deux fils et déporté via Drancy au camp de la mort d’Auschwitz, ils seront gazés à leur arrivée. Fils de ELIAKIM BEHAR Nathan et de CANETTI Sophie nés en 1872 et 1874 à Ederne en Turquie. Les deux grands parents étaient de nationalité tchécoslovaque.
Alice et Jacques ELIAKIM BEHAR sont entrés en France par la ville de Vallorbe le 1er juillet 1939, une commune du Canton de Vaud, située dans le district « Jura-Nord » Vaudois. Elle est située dans un vallon du massif du Jura, sous le cours de l’orbe, entourée notamment par la chaîne de la Dent de Vaulion et par celle du Mont D’Or. Alice et Jacques ELIAKIM BEHAR étaient déjà venu à PARIS en 1937 pendant un mois comme touristes et affaires. Ils s’étaient également rendu à Merville-Franceville et Cabourg (Calvados) le 27 septembre 1938. »